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  SYNAGOGUES
 

A Fès, la synagogue  des  Fassis

et son  rite  antérieur

à  l’exode  des  sefardim

 

 

                Il est probable que, parmi les tribus et populations de la région où s’établit la ville de Fès il y avait des juifs. C’est en tout cas ce que répètent, à l’infini, les légendes sur la création de Fès. Ce qui reste certain c’est que, dans la « ville » d’Idriss II, Al ‘Alia, un vaste quartier juif est décrit, dès les années huit cents… Il se trouvait entre « bab Hisn Saεdoun », et « bab Aghlan »…

            Le quartier juif s’est ensuite déplacé –ou plutôt reconstitué- à Fès Jdid, au XIVème siècle, après la secousse almohade, et à la faveur de la renaissance Mérinide. En ce lieu bâti –avec l’ensemble du Fès Jdid actuel- sur un ancien marché au sel gemme : Mellah- un espace d’un hectare et demi était resté libre après la dissolution du corps militaire sévillan (l-ghozz) qui l’occupait. Les juifs s’y installèrent : juifs du cru, fassis de souche, qui s’y trouvaient mieux, autour de leurs synagogues et boucheries cacher-s, protégés par leurs murailles et le voisinage du Palais Royal, qui employait nombre d’artisans juifs, tailleurs, joailliers et graveurs chargés de la frappe des monnaies…  

            Le Mellah lihud (des juifs) –car il y eut jusqu’au 17ème siècle un Mellah lemselmin (des musulmans)- était un haut lieu du judaïsme, des études juives, du rabbinat : la capitale du savoir juif, comme la Medina était,  avec la Qaraouiyine, celle des sciences, musulmanes et profanes… C’est vers cette ville prestigieuse que se dirigèrent, en 1492, une grande partie des juifs expulsés d’Espagne, accueillis favorablement par la dynastie Bani Wattas. Ce judaïsme hispanophone, avec ses rabbins et savants était fort en nombre, et pour un temps, majoritaire. Il avait ses rites, ses textes de prières, différents de ceux « en vigueur » parmi les vieux fassis. En fait il y eut, pour un siècle environ, deux communautés : les ruama ou meghorashim et les beldiyin ou fassiyine fiers de leur passé, de leur communauté, de leur rite. Chaque communauté avait ses

 

 

 

 

 lieux de prières et particulièrement sa Grande Synagogue… Sauf que en 1651, les deux grandes synagogues –et quatre petites- furent détruites sur ordre du Cheikh de la Zaouia Dila’iya, qui exerçait le pouvoir à Fez et sur le Nord marocain. Pour ce rigoriste,  elles étaient « illégales » car trop récentes, ultérieures à l’arrivée de l’Islam…

 

            Le Maroc n’allait pas tarder à être réunifié par Moulay Rachid. Celui-ci pénétra à Fès, dit-ton, par le Mellah… De Fès il se rendit à Zaouia Aït Ishaq, capitale des  dila’iyn, l’assiégea, la conquit, et la rasa après l’avoir évacuée : 1600 familles juives furent ainsi dirigées vers Fès dont le Mellah « explosa » au delà de ses remparts.

            Un espace fut réservé à des constructions publiques, celui qui bordait le rempart Sud-Est. On y édifia deux grandes synagogues : l’actuelle Slat Selomo Danan (déjà restaurée) et une nouvelle synagogue des vieux fassi-s, Slat el-fassiyin dans la rue du même nom, et adossée à la muraille. Et voilà pourquoi il y a, à Fès, une synagogue de rite fassi, différent, jusqu’à un certain point, du rite sefardi, qui s’est généralisé au Maroc.

            Ce rite est conservé dans le rituel Ahabat ha Qadmonim, « Amour des anciens », qui a traversé les siècles pour être finalement recueilli et imprimé au 19ème siècle.

            Slat al Fassiyin avait donc ses particularités, chères aux familles vieilles-fassies qui s’y réunissaient surtout le samedi et pour les fêtes. Mais, encore dans les années 1950, cette grande synagogue restait ouverte toute la semaine, y compris à l’heure de minha, en début d’après midi, où, dès qu’un minian (dix juifs) étaient réuni, la prière commençait pour être expédiée, en quelques minutes, pendant que un ou plusieurs autres minian-s achevaient leur service. C’était Fès, industrieuse, toujours pressée, mais profondément religieuse…

            Slat al Fassiyin –ou  Sla dəl fassiyin- a connu des péripéties dans sa longue vie commencée il y a trois siècles… En 1791-92, Moulay Yazid fit sortir les juifs du Mellah pour les parquer dans un village de huttes, du côté de la Qasba des Chrarda… Slat al Fassiyin fut alors une prison ou furent enfermés des juifs récalcitrants, tandis qu’une mosquée était

 

 

 

 

établie au Mellah, désormais quartier militaire. Moulay Yazid fut tué à Marrakech  et Moulay Slimane, Ha Melekh-He Hasid (« le Roi juste ») le remplaça. Il ordonna la destruction de la mosquée : « elle est impure, expliqua-t-il, car construite sur l’injustice ». Les juifs réintégrèrent leur quartier et prièrent encore longtemps, selon le rite « des fassis » dans cette synagogue pas comme les autres. Enfin,  pas tout à fait comme les autres : ni ashquenaze, ni sefardi, simplement fassie, et ce n’est pas peu dire...

            En 1972, elle fut démantelée : tristesse de voir ces lampes et meubles partir dispersés, en ces jours de Mai-Juin 1972 après des siècles d’histoires et de prières. Tristesse plus profonde encore de voir des parts de propriété vendues, à la sauvette, et la fière Slat al Fassiyin transformée en atelier de tissage de tapis. Et pourtant il fallait encore s’attendre à pire : la doyenne des synagogues occupée par un club de boxe !

            Cette triste période est révolue. L’objectif est la sauvegarde de cette synagogue, chargée d’histoire et de « personnalité ». Une équipe de cinq professeurs de l’Ecole de Valencia d’Architecture en a établi les plans de restauration. Avec l’appui des autorités, le local a été libéré des activités sportives. Il reste à parachever la récupération de l’entière propriété, pour pouvoir commencer la restauration. Cela suppose encore des sacrifices financiers. La Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain et la Communauté Juive de Fès n’y parviendront que dans la mesure où d’autres donateurs et Institutions voudront bien y prendre part.

            Longue vie à Slat al Fassiyin.


SIMON LEVY

 
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